À l’ère du numérique, nos interactions sociales se déroulent de plus en plus à travers nos écrans. Les réseaux sociaux, les forums en ligne et les plateformes de messagerie instantanée sont devenus des lieux privilégiés pour entretenir nos relations, pour partager nos sentiments et nos expériences. Mais dans ce monde virtuel, comment distinguer les émotions authentiques des représentations fabriquées ?
“Je ressens parfois une pression à montrer une version parfaite de moi-même en ligne. Cela me poussait à choisir avec soin ce que je partageais de ma vie, pour donner l’impression que tout allait bien. J’ai conscience que cela rendait mes interactions moins vraies et parfois superficielles. À cause de cela, je me sentais déconnectée des autres et seule, car je ne partageais pas mes vraies émotions et expériences”. – Rébecca
Avec les réseaux sociaux, tout le monde peut être influencé ou influenceur. De même, ces plateformes fournissent le cadre parfait pour exprimer les émotions non pas forcément comme elles le sont en réalité, mais dans une version idéalisée.
Alors, les expressions de joie, de tristesse, de colère que nous exprimons en ligne sont le plus souvent le reflet de la réalité. Pourtant, selon le témoignage de certains, quelques fois, elles ne sont que des façades soigneusement construites pour manipuler, séduire ou tromper.
Rébecca a 26 ans, et elle est bibliothécaire à Port-au-Prince. Bien que son environnement quotidien lui ouvre la voie vers le monde des livres, comme pour beaucoup de jeunes, les réseaux sociaux et les forums en ligne occupent une place importante dans son quotidien. Cependant, rester soi-même n’est pas toujours facile.
“Trouver un équilibre entre authenticité et image idéalisée dans mes interactions en ligne est un défi. J’essaie de rester authentique en partageant quelques moments réels de ma vie, bons ou mauvais. Je veille à ne pas exagérer ou embellir pour éviter de donner une fausse image de moi-même”. – Rébecca
Pourtant, Rébecca a conscience d’être dans une lutte constante sur les réseaux sociaux, car de bien des manières, ils influencent sa perception d’elle-même, et son bien-être émotionnel.
“Cela a eu un effet négatif sur mon bien-être, car je devais toujours faire semblant, ce qui était épuisant et stressant. Pour y remédier, j’ai commencé à être plus honnête et ouverte en ligne, ce qui a amélioré la qualité de mes interactions et mon bien-être.”
Bien qu’elle se soit engagée envers elle-même à faire des efforts, et qu’elle évite aujourd’hui à tout prix de céder à la tentation d’idéaliser ses publications, l’influence semble énorme.
“D’un côté, voir sans cesse des versions idéalisées de la vie des autres peut me donner un sentiment d’insuffisance et me pousser à me comparer défavorablement. D’un autre côté, le besoin de maintenir une image positive en ligne peut être source de stress et de fatigue, me faisant parfois me sentir déconnectée de ma véritable identité. Toutefois, en étant consciente de ces influences et en essayant de rester authentique, je peux réduire certains de ces effets négatifs et améliorer mon bien-être émotionnel.” – Rébecca
Cela dit, les réseaux sociaux n’exercent pas la même influence sur tout le monde. Pour Claunel, comme pour Miah, la confiance en soi est toujours au rendez-vous, rien ne peut les pousser à trahir leurs véritables identité et émotions.
“Dans la vie réelle comme virtuelle, je ne suis pas du genre à me mettre la pression pour impressionner quelqu’un. Je suis telle que je suis, à prendre ou à laisser” – Miah
“Pour ma part, j’essaie d’être authentique en ligne et dans la vie réelle, ce qui me permet d’avoir des interactions plus significatives avec les autres et de me sentir plus en phase avec moi-même. Cependant, je comprends que ce ne soit pas toujours facile pour tout le monde.” – Claunel Saint Cyr, 25 ans, étudiant en médecine.
Le défi de rester authentique derrière son écran ne se ressent pas que dans les publications. Dans les conversations privées, la virtualité permet aussi de cacher ses véritables émotions.
“Un jour, j’écrivais à un ami. Au fil de la conversation, je me suis sentie contrariée par quelque chose qu’il m’avait dit. Pourtant, j’ai décidé qu’il ne valait pas la peine de lui montrer ce que je ressentais vraiment. J’ai continué à utiliser des smileys (😊😘), mettant son comportement sur le compte de la situation stressante qui nous affecte tous. Mais ces smileys étaient en totale contradiction avec mes émotions. J’étais vraiment fâchée, et cela a duré jusqu’à la fin de la conversation sans qu’il ne s’en rende compte. Si ce n’était pas derrière un écran, nous aurions eu une toute autre discussion”. – Line, 21 ans.
Démêler le vrai du faux
Avec cette numérisation des interactions, nos écrans sont devenus des miroirs de nos âmes. Mais ces reflets que nous voyons, comment savoir s’ils sont authentiques ou purement artificiels?
Vickania a 23 ans, et elle termine ses études en sciences administratives à Port-au-Prince. Pour elle, les réseaux sociaux peuvent inciter à idéaliser l’image qu’on projette de soi, surtout quand on suit la vie des autres qui paraît idéale. Mais, à la question de savoir quelle représentation est vraie et laquelle est fausse, elle répond aux questions de Azuéi – Le Journal.
“Je ne suis pas experte dans l’analyse du comportement des autres, en particulier derrière leurs écrans. Cependant, je dois l’avouer, les gens sont bizarres. Parfois, vous pouvez voir quelqu’un poster quelque chose qui sonne faux, et qui pourtant est réel. Et l’inverse est tout aussi vraie”. – Vickania
“Si je connaissais la personne, je pourrais peut-être savoir quand elle simule. Mais dans un cadre général, j’en doute fort, c’est facile de se faire avoir par les illusions sur les réseaux.” – Vickania
“Mais bon, je ne suis pas trop calée en réseaux sociaux moi. Ni addicte😅.”
Dit-elle avec humour!
Claunel, lui aussi pense qu’il est difficile d’en faire la différence. Cependant, le futur médecin pense que certains éléments pourraient peut-être nous mettre sur la voie d’une décantation.
“Certaines indications peuvent aider à faire la distinction. Par exemple, l’authenticité des partages, la cohérence dans le ton, et le contenu des publications. Aussi la manière dont une personne répond aux commentaires et aux messages peut donner des indices sur la sincérité de ses émotions. De plus, connaître la personne dans la vie réelle peut fournir un contexte précieux pour évaluer l’authenticité de ses émotions en ligne.” – Claunel
Si peu d’entre nous s’aventurent à douter que les réseaux sociaux facilitent la vie humaine, les connexions et les interactions, on ne saurait négliger cette tendance utopique. Derrière son écran, on est seuls maîtres de la perception que le monde a de nous, nous pouvons soit choisir d’être authentiques, soit d’idéaliser nos contenus et nos partages afin d’influencer le monde selon nos désirs.
“Il y a tant de choses qu’on pourrait remettre en question, mais le déroulement social à travers la technologie apporte beaucoup de bonnes choses. On peut se détacher de qui on est pour nous créer un monde où on se sent plus à l’aise et plus en sécurité que dans la vie réelle, et tant d’autres choses encore”. – Miah
Sur la toile, on est tous seuls maîtres à bord de nos navires. Nous choisissons seuls, ou parfois sous influence, quoi publier, quoi dire. Cependant, à tous les lecteurs d’Azuéi – Le Journal, si vous vous sentez pris au piège, ou seuls, contactez un professionnel, ou demandez de l’aide à un ami!